J.O. 166 du 20 juillet 2006
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Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi portant règlement définitif du budget de 2005
NOR : CSCL0609449X
La loi portant règlement définitif du budget de 2005, adoptée le 28 juin 2006, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de 60 députés.
Les auteurs du recours se prévalent du principe de sincérité des lois de finances exprimé à l'article 32 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et contestent la sincérité de la traduction, dans la loi déférée, de différentes opérations financières effectuées au titre de l'exercice 2005.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I. - Sur les crédits ouverts
par voie de décrets d'avance
A. - Les députés requérants font valoir, en premier lieu, que des ouvertures de crédits par décret d'avance au cours de l'année 2005 auraient été faites en violation des règles organiques et soutiennent que de telles irrégularités conduiraient à l'insincérité de la loi de règlement. Ils font notamment référence aux ouvertures de crédit effectuées au titre des opérations militaires extérieures, pour un montant de 421 millions d'euros, et celles visant les dépenses d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, pour 149 millions d'euros.
B. - Une telle critique apparaît inopérante, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a déjà jugé (voir la décision no 91-300 DC du 20 novembre 1991).
La loi de règlement a pour objet, notamment, de constater les résultats des opérations de toute nature intervenues pour l'exécution du budget et d'établir le compte de résultat de l'année. Le Conseil constitutionnel a précisé que, dans cette mesure, la loi de règlement ne peut que retracer, à partir des comptes, les ordonnancements de dépenses et les encaissements de recettes, quelle que soit la régularité des opérations effectuées. Il a ajouté que, s'agissant d'opérations qui présentent le caractère d'actes administratifs ou comptables, le contrôle de leur régularité appartient aux autorités et juridictions compétentes pour en connaître et ne relève pas du Conseil constitutionnel. Il s'ensuit que les critiques adressées par les députés requérants à la régularité des décrets d'avance qui ont procédé à des ouvertures de crédit en cours d'exercice ne sauraient, en tout état de cause, affecter la constitutionnalité de la loi de règlement déférée.
On peut observer, au surplus, que toute forme de contestation de la validité de ces décrets d'avance apparaît désormais vaine, dans la mesure où les décrets pris au cours de l'année 2005 ont été ratifiés par l'article 20 de la loi no 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005. La loi de règlement pour 2005, constatant fidèlement les opérations de cet exercice, a traduit l'incidence des décrets d'avance pris au cours de l'exercice et ratifiés par la loi de finances rectificative de l'année.
Au demeurant, la critique adressée à la régularité des décrets d'avance, au cas présent, apparaît particulièrement mal fondée. Tant sous l'empire de l'article 11 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui s'appliquait encore en 2005, que sous celui de l'article 13 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, une ouverture de crédit par décret d'avance est subordonnée à une condition d'urgence. Cette condition est remplie lorsqu'il est nécessaire, pour le bon fonctionnement des services de l'Etat et la conduite des politiques publiques, de procéder à l'ouverture de crédit dans des délais brefs, sans qu'il soit possible d'attendre que soit votée la plus prochaine loi de finances. L'urgence est caractérisée en cas d'événements de nature accidentelle, comme les catastrophes naturelles, les accidents graves, les crises sanitaires, ou lorsque interviennent des décisions publiques qui n'ont pas été anticipées. Le recours aux décrets d'avance dans les deux cas invoqués par les requérants apparaît, dans ce cadre, difficilement contestable : le financement des opérations militaires extérieures est évidemment tributaire des décisions prises en cours d'année pour l'intervention des forces armées à l'étranger et les dépenses liées à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile dépendent du volume des besoins résultant de l'évolution des flux migratoires qui ne peuvent être parfaitement anticipés.
II. - Sur la reprise de la dette du fonds de financement
de la protection sociale agricole
A. - Les auteurs du recours soutiennent que la reprise par l'Etat de la dette contractée pour le compte du fonds de financement de la protection sociale agricole (FFIPSA) ne pouvait constituer une opération de trésorerie. Ils en déduisent que la prise en compte de cette opération par la loi de règlement affecte la constitutionnalité de cette loi.
B. - Le Gouvernement considère qu'une telle critique n'est pas fondée.
1. L'ordonnance du 2 janvier 1959 distinguait les « opérations permanentes », dépenses et recettes devant être inscrites au budget de l'Etat, des « opérations de trésorerie ». Les « opérations permanentes » étaient énumérées aux articles 3 et 6 de l'ordonnance. Elles comprenaient deux grandes catégories d'opérations : les « opérations à caractère définitif » et les « opérations à caractère temporaire ». Les « opérations de trésorerie » faisaient, quant à elles, l'objet de l'article 15 de l'ordonnance qui visait notamment les émissions et remboursements d'emprunts et les opérations de dépôt, sur ordre et pour compte de correspondants, sans que cette énumération soit exhaustive. Le décret no 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique en donne une liste plus complète en son article 113, qui évoque l'approvisionnement en fonds des caisses publiques, l'escompte et l'encaissement des traites et obligations émises au profit de l'Etat, la gestion des fonds déposés par les correspondants et les opérations faites pour leur compte, l'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts et autres dettes de l'Etat.
Les opérations de trésorerie n'apparaissent pas dans le budget conformément à la séparation de principe entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie.
La Cour des comptes a parfois critiqué la mise en oeuvre du partage entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie, en considérant notamment que la création ou la constatation d'un engagement de l'Etat, telle que la reprise d'une dette d'un organisme tiers ou d'un engagement payable à terme ou par annuités, constitue une charge définitive pour celui-ci et, à ce titre, devrait être considérée comme une charge budgétaire et non comme une opération de trésorerie.
Mais, en adoptant la loi organique du 1er août 2001, le législateur organique a cependant confirmé la conception des opérations de trésorerie telle qu'elle avait été mise en oeuvre sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et du décret du 29 décembre 1962. L'article 25 de la loi organique du 1er août 2001, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002, a repris la disposition précitée de l'article 113 du décret de 1962 et range au nombre des opérations de trésorerie l'émission, la conversion, la gestion et le remboursement des emprunts et des autres dettes de l'Etat. Le législateur organique n'a ainsi pas remis en cause l'état du droit antérieur, mais l'a au contraire confirmé en considérant qu'il ne portait pas atteinte aux pouvoirs du Parlement ni n'altérait son information sur les conséquences financières des opérations concernées, dès lors que le Parlement est amené à autoriser, en vertu de l'article 34 de la loi organique, les reprises de dettes, qu'il est informé, dans le cadre d'un tableau de financement voté comme partie intégrante de l'article d'équilibre, des conséquences de ses décisions passées sur le besoin de financement de l'Etat et qu'il approuve, lors de l'examen de la loi de règlement, le compte de résultat retraçant, notamment, les pertes et profits de toute nature, y compris sur emprunts et engagements. Ces derniers sont intégrés dans la grande catégorie des « charges financières » (comptes numérotés en 66 dans le plan comptable) et des « produits financiers » (comptes numérotés en 76 dans le plan comptable).
Il ressort, de fait, clairement des travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances que les reprises de dettes ont été maintenues dans le champ des opérations de trésorerie (voir en particulier le rapport de M. Didier Migaud, au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale chargée d'examiner la proposition de loi organique no 2540 relative aux lois de finances, et le rapport de M. Alain Lambert, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 29 mai 2001).
2. La reprise de la dette du fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) entre dans le champ de ces opérations de trésorerie.
Le FFIPSA est un établissement public administratif doté de la personnalité morale. Il constitue ainsi une personne morale distincte de l'Etat, alors même qu'il a repris les droits et obligations de l'ancien budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA), supprimé au 31 décembre 2004 en prévision de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances.
Les conditions posées par le législateur organique pour maintenir les reprises de dettes dans le champ des opérations de trésorerie ont été respectées. L'article 117 de la loi de finances rectificative pour 2005 a procédé au transfert à l'Etat, dans la limite de 2,5 MdsEUR, de la dette contractée pour le compte du FFIPSA par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole auprès d'établissements bancaires. Le vote de l'article 117 de la loi de finances rectificative pour 2005 s'est accompagné de la modification du projet de loi de finances pour 2006, par le vote de deux amendements en deuxième lecture : un amendement de crédits (n° 12) qui majorait, par coordination avec la loi de finances rectificative pour 2005, la charge de la dette 2006 au titre de la charge induite par la reprise de dette liée à la substitution de l'Etat à la Mutualité sociale agricole dans la convention d'ouverture de crédit court terme conclue avec un syndicat d'établissements bancaires et, dans le cadre de l'amendement à l'article d'équilibre (n° 1), outre la prise en compte de cet amendement de crédits, la reprise de dette FFIPSA se traduit par une modification à hauteur de 2,5 MdsEUR du besoin et des ressources apparaissant dans le tableau de financement.
En loi de règlement 2005, la « balance générale des comptes », partie intégrante du compte général de l'administration des finances joint au projet de loi de règlement, a traduit les écritures comptables liées à la reprise de la dette du FFIPSA (à la fois sur les charges financières pesant le résultat de l'exercice et les dettes financières figurant au passif du bilan de l'Etat). La reprise par l'Etat de la dette contractée par la CCMSA a été constatée sur la gestion 2005 au compte 168.3 intitulé « Engagement résultant de la reprise de la dette de la CCMSA », créé à la nomenclature générale des comptes de l'Etat pour 2005, en contrepartie du compte 667.1 « Pertes sur emprunts et engagements. Annuités non supportées par le budget général ou un compte spécial du Trésor ». A cet effet, l'écriture suivante a été enregistrée : « Débit au compte 667.1 Crédit au compte 168.3. Pour un montant de 2 500 000 000 euros ».
L'opération décrite est une opération de trésorerie, sans impact budgétaire en 2005.
III. - Sur les remboursements effectués par la CADES
A. - Les députés auteurs du recours soutiennent que les remboursements versés par la CADES à l'Etat constitueraient une opération de trésorerie et n'auraient pas dû être traités par la loi de règlement comme des recettes budgétaires. Ce traitement constituerait, là aussi, une irrégularité affectant la constitutionnalité de la loi de règlement déférée.
B. - Une telle argumentation est dépourvue de fondement.
La Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a été créée par l'ordonnance no 96-50 du 24 janvier 1996. Sa mission est de financer et d'éteindre la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale pour les exercices 1994 à 2006. Les ressources de la CADES sont constituées de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et du produit des ventes du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales de sécurité sociale et de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.
Le IV de l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 modifiée a prévu que la CADES verse au budget général de l'Etat chaque année, de l'année 1996 à l'année 2000, une somme de 12,5 milliards de francs puis, en 2001, une somme de 12,15 milliards de francs. Ces versements ont été fixés à 3 milliards d'euros chaque année, pour les années 2002 à 2005.
La loi de règlement pour 2005 se borne à retracer la comptabilisation en recette budgétaire du versement qui a été effectué par la CADES conformément aux dispositions de l'ordonnance de 1996. Ce versement constitue un « produit divers » relevant des « ressources permanentes » citées à l'article 3 de l'ordonnance du 2 janvier 1959. Il doit, à ce titre, être retracé dans le budget.
Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur le bien-fondé de la comptabilisation de cette recette à l'occasion du recours formé contre la loi de finances initiale pour 2002 (voir la décision no 2001-456 DC du 27 décembre 2001, considérants 32 à 34). Il a considéré que les dispositions instituant ces versements au budget général de l'Etat selon un échéancier précis n'établissent aucun lien juridique entre les versements de la caisse à l'Etat et les conditions de remboursement de la dette de la sécurité sociale. Il a jugé, en conséquence, que de tels versements ne constituent pas un remboursement de prêt ou d'avance.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que le traitement par la loi de règlement déférée du versement effectué par la CADES en 2005 n'est pas contestable.
IV. - Sur le remboursement de l'avance consentie à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA)
A. - Les députés requérants font valoir que les modalités retenues pour le remboursement de l'avance accordée à l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (ACOFA) auraient artificiellement modifié le solde budgétaire de l'exercice 2005, qu'elles traduiraient une violation du principe de sincérité et qu'elles contreviendraient aux dispositions régissant la période complémentaire. Elles affecteraient en conséquence la constitutionnalité de la loi déférée.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
1. On doit rappeler, à titre liminaire, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment la loi de règlement doit se borner à constater les opérations telles qu'elles ont été effectuées. Dès lors, elle ne pouvait faire autre chose que traduire les opérations, intervenues au cours de l'exercice 2005, relatives aux flux financiers entre l'Etat et l'ACOFA.
La loi déférée s'est conformée à cet impératif, tant en ce qui concerne la comptabilité budgétaire qu'en ce qui concerne la comptabilité générale, en constatant les opérations telles qu'elles ont été réellement effectuées.
2. Au cas d'espèce, il est utile de rappeler que, depuis 1988, les aides versées aux agriculteurs européens au titre de la politique agricole commune font l'objet d'un préfinancement. Le budget communautaire rembourse ainsi aux organismes payeurs agréés par les Etats membres les sommes qui ont été effectivement versées aux agriculteurs, le remboursement par le budget communautaire intervenant deux mois après le paiement effectif.
En France, l'Etat a confié à l'ACOFA, agissant comme « tête de réseau » des offices agricoles spécialisés, un rôle d'interface avec les institutions communautaires pour ces flux financiers en matière agricole. Cette agence assume à ce titre la charge du préfinancement des aides versées aux agriculteurs français.
Sachant que les règlements se concentrent en majorité sur le dernier trimestre de l'année, l'ACOFA avait, par le passé, recours sur cette période à un emprunt bancaire. Mais, à partir de 2001, a été retenu un autre mode de financement, sous la forme d'un financement par avance du Trésor imputé sur le compte d'avances no 903-58 « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics ».
Jusqu'en 2004 inclus, les pics de paiement intervenaient, du fait de la réglementation communautaire, entre le 15 octobre et le 15 novembre, dates auxquelles se concentrait la mise en paiement des principales aides. L'avance contractée par l'ACOFA pouvait donc être remboursée début janvier, pendant la période complémentaire, au moment où les instances communautaires procédaient au remboursement des aides versées au mois de novembre. L'avance contractée au cours de l'exercice 2004 était donc remboursée au titre de l'exercice 2004 sans avoir la moindre incidence sur le solde budgétaire de l'exercice.
La réforme de la politique agricole commune décidée en juin 2003 a, entre autres modifications, modifié le calendrier de versement des aides, en prévoyant que les principales aides (en particulier les aides compensatrices à la surface) ne seraient plus mises en paiement avant le 1er décembre. Du fait de cette décision communautaire, le remboursement total de l'avance ne peut plus désormais intervenir qu'au mois de février. Cette date est postérieure à la fin de la période complémentaire telle qu'elle a été fixée en gestion pour l'exercice 2005 et elle est postérieure, pour les années suivantes, à la date impartie pour l'avenir par l'article 28 de la loi organique du 1er août 2001. C'est pourquoi, à système inchangé, l'en-cours de l'avance en fin d'exercice aurait, sans raison véritable, affecté le déficit budgétaire au travers de l'agrégation du solde des comptes spéciaux du Trésor.
C'est pour éviter ces conséquences que des scénarios alternatifs neutralisant l'impact de ce changement de calendrier sur le déficit budgétaire ont été étudiés. Le retour à un financement par emprunt bancaire contracté directement par l'ACOFA aurait coupé tout lien entre le budget de l'Etat et les opérations de paiement des aides communautaires ; mais, comme le Trésor est en mesure d'emprunter à court terme dans des conditions plus favorables que l'ACOFA, il en serait résulté un accroissement de la charge des intérêts. Il a donc été décidé, par souci d'économie, de mettre en oeuvre une autre solution.
Il a, ainsi, été procédé, au titre de 2005, à une première avance du Trésor, pour un total cumulé de 6,1 MdsEUR correspondant à des droits de tirage successifs intervenant au fur et à mesure des besoins de paiement entre le 19 octobre et le 28 décembre. Cette avance a été remboursée pour partie le 5 décembre (pour 190 MEUR, en tirant parti d'un remboursement communautaire au titre du mois d'octobre intervenu à un moment où les offices disposaient d'une trésorerie suffisante) et pour le reliquat, soit 5,9 MdsEUR, le 5 janvier 2006. Ce dernier remboursement est intervenu pendant la période complémentaire et a été imputé sur l'exercice 2005.
Le remboursement de l'avance intervenu le 5 janvier pour un montant de 5,9MdsEUR a été assuré grâce à 1,7 MdEUR de fonds communautaires et, pour le reste, soit 4,2 MdsEUR, grâce à une seconde avance du Trésor (imputée sur le compte de concours financier « Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics », qui a pris la succession du compte d'avance no 903-58 en vertu de l'article 46 de la loi de finances pour 2006). Cette seconde avance imputée sur l'exercice 2006 a été remboursée intégralement, pour un montant porté à 4,5 MdsEUR par des tirages complémentaires intervenus courant janvier, grâce au remboursement communautaire qui a été effectué le 3 février 2006.
3. Le Gouvernement considère que les critiques adressées par les requérants à cette opération, mettant en cause sa sincérité, ne peuvent être accueillies.
On ne peut pas considérer, en effet, que cette opération ait eu pour objet ou pour effet de fausser le solde de la loi de règlement soumise à l'approbation du Parlement. Au contraire, la solution retenue permet d'assurer la comparabilité des exercices et d'éviter d'altérer, de façon artificielle, la chronique des soldes budgétaires sur les exercices 2004 à 2006. Si l'opération en cause n'avait pas été mise en oeuvre, le déficit budgétaire de l'exercice 2005 aurait été artificiellement creusé pour un montant de l'ordre de 4 MdsEUR. C'est alors que l'on aurait pu s'interroger sur la sincérité d'une opération qui aurait permis de présenter l'année suivante un déficit budgétaire en nette amélioration grâce à une marge artificielle de 4 MdsEUR.
Il importe de souligner qu'au cas présent le versement par les instances communautaires des sommes permettant de rembourser l'avance était absolument certain. On ne peut ainsi suivre l'argumentation de la saisine qui soutient qu'« à supposer que l'Union européenne ait connu par exemple d'importants retards dans la mise à disposition des fonds, l'avance pourrait se voir largement prolongée, et le caractère certain de son extinction à une date précise serait remis en cause ». La réalité du fonctionnement institutionnel européen garantit, via le système des ressources propres, que l'Union européenne dispose des moyens nécessaires pour honorer ses engagements. Le décalage dans les remboursements au titre de l'année 2005 n'est pas lié à une hypothétique crise de trésorerie qu'aurait connue l'Union, mais simplement à la décision prise, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune en juin 2003, de modifier la date de mise en paiement des aides aux agriculteurs. La certitude du remboursement et le caractère d'opération temporaire au sens de l'ordonnance de 1959 ne souffrent ainsi, en l'espèce, aucune discussion.
4. On doit relever, par ailleurs, que la régularité de l'opération ne peut être mise en doute « au regard » du décret du 14 mars 1986.
L'article 11 de ce décret autorise la comptabilisation d'un certain nombre d'opérations pendant la période complémentaire, celles dont le paiement ou l'encaissement sont intervenus jusqu'au 15 janvier de l'année pour ce qui concerne les comptables principaux de l'Etat, jusqu'au 30 janvier pour ce qui concerne les comptables désignés par un arrêté du ministre chargé du budget et jusqu'au 7 février pour ce qui concerne l'agent comptable central du Trésor.
Ce texte est toujours en vigueur et régissait, en droit, la période complémentaire afférente à l'exercice 2005. La circonstance que l'entrée en vigueur de l'article 28 de la loi organique relative aux lois de finances imposera à l'avenir d'en modifier les termes ne conduit pas à considérer que le décret de 1986 serait devenu illégal du fait des nouvelles dispositions organiques. Le rattachement à la période complémentaire de l'exercice 2005 du remboursement effectué le 5 janvier 2006 ne peut ainsi être contesté.
Les règles posées par le décret de 1986 auraient, au surplus, permis légalement d'imputer à l'exercice 2005, au titre de la période complémentaire, le remboursement de la totalité de l'avance qui est intervenu le 3 février 2006. Le premier président de la Cour des comptes a, de fait, reconnu la régularité de l'opération, en relevant lors de son audition du 13 juin 2006 par la commission des finances de l'Assemblée nationale que « l'opération de fin d'exercice de plus de 4 milliards d'euros entre l'Etat et l'ACOFA [était une] opération formellement régulière au regard du décret de 1986 qui encadre ce type de flux financiers ».
Aussi peut-on penser que l'objectif poursuivi par le Gouvernement - à savoir la neutralisation de l'impact artificiel sur le budget de l'Etat de la modification du calendrier communautaire de versement des aides - aurait pu aussi être atteint par une seule avance, dont le remboursement aurait pu être imputé sur l'exercice budgétaire 2005 parce que la fin de la période complémentaire était, en droit, demeurée fixée au 7 février. Les termes du décret du 14 mars 1986 n'interdisaient pas au Gouvernement de prolonger, en pratique, la période complémentaire jusqu'au 7 février 2006.
Une telle solution aurait toutefois présenté un sérieux inconvénient de gestion. Repousser en pratique la fin de la période complémentaire jusqu'au terme réglementaire fixé par le décret de 1986 se serait, en effet, traduit par un retour en arrière dommageable par rapport au mouvement d'anticipation de la fin de la période complémentaire qui a constamment poursuivi depuis 1995. Ce mouvement a permis de faire passer la fin de période complémentaire du 8 mars, pour l'exercice 1994, au 20 janvier, pour l'exercice 2005. Un tel raccourcissement progressif répond à la fois au souci d'une publication plus précoce des comptes de l'Etat et à la nécessaire anticipation, dans un souci de bonne gestion et d'adaptation graduelle des services comptables de l'Etat, des contraintes fixées par l'article 28 de la loi organique, qui limitera à compter de l'exercice 2006 la période complémentaire à une durée maximale de vingt jours. Dans ce contexte, le Gouvernement n'a pas jugé souhaitable de marquer une rupture dans ce mouvement général et a préféré mettre en oeuvre une solution alternative pour neutraliser l'impact du changement du calendrier européen sur le solde budgétaire.
Le Gouvernement considère ainsi que la sincérité de la loi de règlement ne peut être mise en doute : la loi a constaté les opérations telles qu'elles ont été effectuées ; elle revient à constater le même solde budgétaire que celui qui aurait résulté de la mise en oeuvre légale d'un autre mécanisme ; elle aboutit à une présentation fidèle et sincère du solde budgétaire en neutralisant l'impact artificiel que le changement des règles communautaires aurait pu avoir en 2005 et 2006.
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Pour ces différentes raisons, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les auteurs du recours ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée. C'est pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter le recours dont il est saisi.